Encyclopédie Polaire

DE LA MER À LA TOUNDRA, DES HABITATS VARIÉS

280 espèces d’oiseaux habitent les régions arctiques : oiseaux terrestres (lagopèdes, bruants, chouettes harfangs, faucons…), oiseaux de mer ou des rivages (albatros, sternes, goélands, guillemots, tournepierres…), oiseaux des zones marécageuses (oies, cygnes, canards…).

SI NOMBREUX PENDANT LE COURT ÉTÉ…

À la belle saison, sur les falaises littorales nichent d’immenses colonies d’oiseaux marins, et dans la toundra, d’autres oiseaux viennent élever leurs poussins sans craindre la famine. Végétation toute neuve, nuages d’insectes, petits mammifères ou faune des marécages et des rivières : il y en a pour tous les becs ! Le danger vient surtout des blizzards qui, même au cœur de l’été, peuvent détruire les nichées.

SEULS QUELQUES COURAGEUX RESTENT PENDANT LE GLACIAL HIVER

Rares sont les oiseaux qui résistent à l’hiver polaire. Au Canada, par exemple, sur les 80 espèces qui nichent en été, seulement 6 passent l’hiver en Arctique. Ils ont en commun un corps plus gros que les espèces des zones tempérées et les extrémités plus courtes. Chouettes et lagopèdes ont même des plumes sur les pattes ! Leur épais plumage blanc est un bon camouflage, qui conserve aussi leur chaleur.

LA PLUPART MIGRENT VERS LE SUD

Des multitudes d’oiseaux parcourent des milliers de kilomètres pour échapper à l’hiver polaire. C’est ainsi que l’on rencontre, sur les étangs et falaises de nombreuses régions d’Europe, oies, canards, goélands, guillemots… venus se mettre à l’abri, le temps des grands froids polaires.

UN OISEAU TERRESTRE PARFAITEMENT ADAPTÉ AU FROID : LA CHOUETTE HARFANG

De 82° de latitude nord (île Ellesmer) jusqu’à 55° (îles de Béring) et du niveau de la mer jusqu’à 1500 mètres d’altitude, la chouette Harfang se moque des rigueurs du climat. Toute de blanc vêtue y compris la plante de ses pieds, son plumage est l’isolant thermique le mieux réussi du règne animal, avec le pelage du renard arctique et du mouflon de Dall.
Au printemps, elle remonte vers le nord et s’accouple sur les territoires où la nourriture est abondante. De la Sibérie au Canada en passant par la Norvège ou le Groenland, le premier œuf arrive dans chaque nid autour du 20 mai ! La croissance des petits est la plus rapide des grands rapaces : un jeune peu doubler de poids en 24 h, mais la moyenne est de 60 à 70 % de poids en plus par jour. Pas questions de s’attarder au nid : la bonne saison est bien trop courte …

Fiche signalétique :

 Nom : Chouette Harfang ou Harfang des neiges ( Nyctea scandiaca )
 Longueur : 55 à 65 cm
 Envergure 150 à160 cm
 Poids : 1.3 à 2.6 kg
 Spécialiste de la capture de rongeurs, les lemmings constituent 84   à   98% de son régime ; lagopèdes, lièvres variables, poissons ou renards   peuvent à l'occasion compléter ses menus.

FAMILLES D’OISEAUX DE MER LES PLUS FRÉQUENTS DE L’ARCTIQUE

Procellariidé : Pétrel fulmar, Pétrel tempête
Cette famille d’oiseaux pélagiques (qui vivent en haute mer) a un bec légèrement crochu, muni d’une glande située au niveau des narines et qui, comme un filtre, leur permet de dessaler l’eau de mer qu’ils absorbent. Ils peuvent ainsi rester en mer toute leur vie, ne revenant à terre que pour se reproduire. Constamment en vol, excellents voiliers, ils planent et rasent l’eau, quasiment sans battre des ailes.
Pour se défendre, ils utilisent leur glande à sel en crachant l’excès salin qu’ils ont accumulé dans leurs narines ainsi qu’une huile jaunâtre malodorante, sécrétée par leur estomac. Le plus souvent, dérouté et englué, l’intrus s’en va.

Laridés : Goélands et Mouettes
Les adultes ont la tête, le corps et la queue blancs, et le dessus des ailes gris ou noir; les jeunes (ou immatures) sont tachetés de brun. Les espèces les plus courantes sont les goélands bourgmestres, les goélands sénateurs (ou mouettes ivoire), les mouettes tridactyles, les mouettes de Sabine.

Alcidés : Pingouins, Guillemots, Mergules et Macareux
Ils tiennent, dans l’océan Arctique, la place des Manchots (exclusivement austraux et qui ne sont pas des pingouins !) et des Pétrels plongeurs dans l’hémisphère Sud. Excellents nageurs, ils passent beaucoup de temps en mer, en groupes, mais ne s’éloignent guère des côtes. Ils plongent, en s’aidant de leurs ailes, à la recherche de leurs proies. Ils nichent la plupart du temps sur les rebords des falaises ou les interstices rocheux.

Labbes (ou skuas)
On en rencontre plusieurs espèces en Arctique : le labbe parasite, le labbe pomarin, le labbe à longue queue, le grand labbe. Ce sont des pirates ! Ils harcèlent les autres oiseaux marins et les obligent à abandonner leur nourriture.

Sterne
Les sternes sont aussi appelées hirondelles de mer, à cause de leur silhouette (queue profondément fourchue, grandes ailes pointues). La sterne arctique pêche souvent près des côtes. Elle bat tous les records de distances de migration puisqu’elle va d’un pôle à l’autre (aller-retour) chaque année.

Cormorans
Silhouette un peu lourde, long cou sinueux et grandes ailes arrondies, ils volent à faible hauteur, en formation en V. Au repos, ils font sécher leurs ailes en les étalant, car leur plumage, contrairement à celui des autres oiseaux de mer, est perméable et ne leur permet pas de voler lorsqu’il est mouillé.

Eiders : Eider commun, à tête grise…
Ces canards marins vivent le long des côtes. Ils forment souvent des groupes de pêche de 50 à 100 individus. Les goélands les attendent à la remontée afin de leur voler une partie de leur nourriture. Et l’on voit parfois, les goélands “protéger leur groupe de canards ” contre d’autres prédateurs…

DANS LA COLONIE, L’UNION FAIT LA FORCE…

98% des oiseaux de mer vivent en colonies, se relayant pour monter la garde ; chacun est ainsi mieux protégé des prédateurs.
Certains ornithologues pensent que le groupe permet aussi des échanges d’informations sur la localisation de la nourriture et stimule les individus (imitation des activités du voisin, cris, chants…).
Pour bien fonctionner, une colonie doit être en équilibre avec son environnement. Sur une falaise, le nombre de nids est limité et, d’une année sur l’autre, le même groupe se retrouve. Les jeunes apprennent à tenir leur place dans le groupe au contact des adultes, participant petit à petit à la cohésion sociale.
Si la colonie devenait trop grande, les contacts entre les oiseaux ne seraient plus aussi efficaces. Au-delà d’un certain effectif, la structure du groupe s’effriterait et aboutirait au chaos.

MAIS IL FAUT DÉFENDRE SON NID !

Les colonies d’oiseaux marins sont très bruyantes, car le cri est un excellent moyen de communication et de cohésion. La densité de population pose des problèmes de voisinage : il n’y a pas toujours de place pour tout le monde… ce qui limite la quantité de couples capable de se reproduire. Chacun doit donc, sans cesse, défendre son territoire.
De violents combats peuvent avoir lieu pour conquérir les meilleurs sites et les “prises de becs” (au sens propre du terme !) se terminent parfois par un affrontement en vol, tête contre tête. Lorsque les conditions climatiques sont mauvaises (neige tardive, etc.), certains combats peuvent se solder par la mort d’un des oiseaux, mais, en général, un cri suffit pour que l’intrus n’insiste pas.

LES OISEAUX DE MER : DES COUPLES FIDÈLES

Les oiseaux de mer se reproduisent pour la 1ère fois tardivement et sont en général fidèles, d’une année sur l’autre, à leur nid et à leur partenaire. Ils investissent beaucoup d’énergie dans la reproduction tout en limitant le nombre d’œufs pondus (pas plus de 3 par couvée contre une dizaine chez les Passereaux).
Par exemple, le Pétrel fulmar est fidèle à son partenaire dans 80 % des cas, et à son nid à 96 %. Lorsque l’un d’entre eux ne revient pas, soit il est mort, soit il est resté un temps en “vacances” (appelée période sabbatique). Le couple met plusieurs années à se former et les premières tentatives de reproduction n’ont lieu que la 9ème année.

DE L’ŒUF AU JEUNE OISEAU

Chez beaucoup d’oiseaux vivant sur les falaises, comme le Pétrel fulmar ou les Guillemots, l’œuf est piriforme (en poire), ce qui l’empêche rouler et de tomber des rochers !
La femelle Pétrel pond un seul œuf, très volumineux, qui représente près de 15% du poids de son corps. C’est un énorme investissement énergétique qu’elle n’a pas la capacité de renouveler au cours de la même saison, en cas d’échec. Aussi, tout est mis en œuvre pour mener le poussin jusqu’à l’envol. Les tâches sont également réparties entre les 2 partenaires qui se relaient pour incuber l’œuf, tous les 2 à 12 jours pendant 40 à 60 jours.
Mouettes et Goélands, eux, pondent 2 œufs, mais peuvent pondre une 2ème fois, car leur investissement énergétique est bien moindre.
Le plus souvent, le poussin sort de l’œuf couvert d’un fin duvet qui ne le protège pas du froid. L’adulte doit le couver sans interruption, jusqu’à ce qu’un deuxième duvet apparaisse. Ensuite, le poussin peut survivre sans être réchauffé en permanence : c’est l’émancipation thermique. Les parents viennent alors, à tour de rôle, nourrir leur progéniture. En mer, les adultes pêchent pour se nourrir et ramener de petits crustacés ou des poissons à leurs poussins. Les petits engloutissent jusqu’à leur poids de nourriture en une journée !

PREMIER ENVOL

Tous les jeunes oiseaux marins doivent pouvoir s’envoler pour leur lieu d’hivernage à une date précise, fonction de l’espèce et de la distance à parcourir. Souvent, les parents incitent leurs petits au décollage, par exemple en les faisant jeûner : affamés, les poussins se jettent des falaises pour pêcher par eux-mêmes. Certains alcidés accompagnent les jeunes en mer avant même que leur croissance soit achevée pour leur apprendre à pêcher.

LE COIN DES BIOLOGISTES ET DES NATURALISTES

L’homme, le renard, le rat et les oiseaux
De nombreuses espèces d’oiseaux de mer nichent dans les îles du détroit de Béring, aux eaux particulièrement riches. Jusqu’à leur découverte par le navigateur Vitrus Béring en 1741, ces îles avaient aussi l’avantage de ne pas abriter de prédateurs terrestres. Mais, l’homme y a introduit le renard pour les fourrures. Cette activité a connu son apogée entre 1900 et 1930… ce qui a décimé les populations d’oiseaux. Dès 1949, les Américains ont tenté d’éliminer alors les renards ; aujourd’hui, les colonies d’oiseaux ont triplé. Mais attention aux rats, passager clandestin des bateaux : patrouilles anti-rats, ports fortifiés, pièges et poisons sont multipliés pour préserver les oiseaux marins de ces inquiétants prédateurs !

Comment se repérer pendant les migrations ?
Chaque année, des milliers d’oiseaux suivent les mêmes routes de migration, le long des côtes atlantiques ou pacifiques. On estime que les oiseaux s’orientent grâce au soleil, aux étoiles, ou encore grâce à la “mémoire” du relief côtier; ils utilisent également les lignes du champ magnétique terrestre (géomagnétisme).

Ces oiseaux des grands froids, que l’on peut observer à deux pas de notre maison…
Que l’on habite sous les tropiques, à Paris, en Bretagne ou dans les Alpes, on peut rencontrer des oiseaux qui nichent en Arctique pendant l’été boréal. On se trouve en effet en terres d’hivernage ou sur la route des migrations. Alors, cherchez étangs et marécages, ou allez sur la côte, près de chez vous… Sortez, levez le nez et… armez-vous de jumelles et de patience !
Si vous avez besoin d’aide, il existe sûrement un club ornithologique près de chez vous…

JEAN-LOUIS ETIENNE ET LES OISEAUX DE L’ARCTIQUE

“À peine avais-je fait quelques pas qu’un oiseau brun fondit sur moi, me frôlant de ses ailes déployées. Il poussait des cris de colère. À son cri, je compris qu’il défendait son territoire. (…)Je reconnus le Labbe pomarin (…)En vol stationnaire au-dessus de ma tête, je sentais le souffle de ses ailes se rapprocher de ma tête, j’en avais la chair de poule. La survie de l’espèce oblige les animaux à des audaces insoupçonnées, et il semblait prêt à tout (…). Soudain à une dizaine de mètres, un autre labbe s’agita au sol, déambulant maladroitement entre les pierres, son aile droite luxée, dressée à la verticale, trébuchant, émettant de petits cris de douleur. C’était de toute évidence la femelle qui tentait d’attirer mon attention vers elle pour détourner ma trajectoire.(…)J’étais à quelques pas du pire : un œuf marron vert posé à même le sol, à quelques mètres de mes semelles, simplement entouré de quelques brindilles.”
JL Etienne – “La complainte de l’ours” – JC Lattès, 2001

LE SAVIEZ-VOUS ?

> Les immenses colonies d’oiseaux de mer qui nichent sur les falaises des régions arctiques participent au développement de la flore, par l’apport massif d’engrais (leurs fientes) qu’ils déposent à terre.

> Pour nicher dans le sol des îles herbeuses, les Macareux creusent des terriers ou utilisent ceux des lapins, parfois en délogeant leur propriétaire !

> La durée de vie moyenne d’un oiseau marin varie entre 8 et 40 ans, respectivement pour les Mouettes tridactyles et les Albatros. À taille comparable, ils vivent plus longtemps que les oiseaux terrestres. Ainsi, le Pétrel tempête, qui ne mesure que 20 cm, a une durée de vie moyenne de 20 ans contre 2 ans chez la Mésange de nos jardins !

> Sur les 15 espèces d’oies répertoriées dans le monde, 12 nichent en Arctique.

> Les eiders, ces sortes de canards marins, ont un duvet très épais, à l’origine du mot édredon de nos grands-mères (“eider done”, fait avec des eiders).

> La chasse aux oiseaux chez les Inuit
De mai à septembre, à la période de reproduction des Mergules nains, les enfants Inuit chassaient les oiseaux dans les falaises, à l’aide d’une sorte d’épuisette, pour les saisir en vol. En huit heures, un bon chasseur pouvait en capturer 500 ! Les esquimaux ramassaient également œufs et oisillons, qui constituaient un apport substantiel de protéines.

POUR ALLER PLUS LOIN …

BIBLIOGRAPHIE

  • Faune et flore du Grand Nord – GNGL 1999
  • La chouette Harfang (R. Sané, Bulletin GREA-CEMDP n°1-1996)
  • Actic Flora and Fauna – status and conservation – CAFF 2000
  • Satellites Track King Eiders (L.Dickson, WWF, Arctic Bulletin, n°1, 1999)
  • Too many snow geese, a conservation problem ? ( B. Ganter, WWF, Arctic Bulletin, n°1, 1999)
  • Global Overview of the Arctic Breeding Birds (G.Boere, WWF Arctic Bulletin, n°2, 2000)
  • Intercontinental Flyways of Arctic Water birds (WWF, Arctic bulletin n°2, 2000)

 AUTRES SITES À VISITER

Soutenir le projet avec une donation

L’expédition POLAR POD est de la trempe des pionniers, une aventure humaine doublée d’un défi technologique, une exploration océanographique jamais réalisée qui fera date dans la découverte des océans.

Merci pour votre soutien dans ce projet !

Faire un don
En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l’utilisation de cookies ayant pour finalité l'analyse et les mesures d'audience, de fréquentation et de navigation, la définition de services et offres adaptés à vos centres d’intérêt.